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Publié en 1987, vendu à plus de 500 000 exemplaires en France, le Petit Traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, est un véritable phénomène de librairie.
Fondé sur les recherches en psychologie sociale, l’ouvrage propose de connaître les techniques de manipulation auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement ou qui permettent de convaincre.
COMMENT AMENER QUELQU’UN A FAIRE LIBREMENT CE QU’ON DÉSIRE LE VOIR FAIRE?
C’est à cette question, qui nous concerne probablement toutes et tous, que répondent Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois dans leur ouvrage, "Petit Traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens" (1987, rééd. 2024). Ils le font à la lumière des connaissances élaborées au fil des décennies pas les psychologues sociaux, depuis les travaux précurseurs de Kurt Lewin jusqu’à nos jours, et donc durant soixante-quinze années de recherches.
L’un des mérites majeurs de l’ouvrage de Joule et Beauvois est d’avoir travaillé ce corpus expérimental au sein de l’espace francophone, notamment en rendant accessibles des recherches anglo-saxonnes jusque-là peu diffusées. Une conférence donnée par Robert-Vincent Joule à l’Université Grenoble Alpes illustre parfaitement cette logique de l’influence librement consentie.
Dans la dernière édition augmentée et actualisée, parue en octobre 2024, les auteurs explicitent une trentaine de techniques d’influence dont l’efficacité est expérimentalement démontrée dans des recherches de laboratoire et de terrain. Ces procédures, qu’ils qualifient de techniques de manipulation, permettent de multiplier (par deux, par trois, parfois par dix) nos chances d’arriver à nos fins, pour le meilleur et pour le pire.
La connaissance de ces techniques et des processus psychologiques en jeu donnent au lecteur des armes pour éviter de se faire manipuler et pour forger son esprit critique, le rendant moins poreux aux influences néfastes s’exerçant sur lui.
Certains blogs de "vulgarisation" estiment même que l’ouvrage relève de l’utilité publique – une appréciation rare pour un traité de psychologie sociale.
L’ouvrage concerne essentiellement les influences interpersonnelles, celles qui opèrent entre deux personnes (en famille, au travail, dans la rue, sur Internet, ou encore ici ou là entre un vendeur et un client), sans négliger pour autant les influences de masse.
Les chercheurs en sciences de l’information et de la communication (SIC) s’intéressent aussi particulièrement à ces dynamiques, dès lors qu’elles s’inscrivent dans des dispositifs médiatisés (affichages, interfaces, plates-formes numériques) ou ritualisés (conférences, campagnes, échanges transactionnels). Enfin, le conditionnement évaluatif, sur lequel s’appuient volontiers les spécialistes du marketing.
LE CONDITIONNEMENT EVALUATIF
Vous écoutez la Marseillaise avant un match de football de l’équipe de France. La caméra passe lentement d’un joueur à l’autre. En plan serré, on voit le visage concentré de chaque joueur mais aussi le haut de chaque maillot avec le logo d’une certaine marque. Bien sûr, on ne prête pas attention à ce logo et pourtant, sans qu’on en ait conscience, la positivité de la Marseillaise, l’hymne national, va se transférer sur la marque, rendant ainsi plus probables les comportements d’achat attendus de la part des spectateurs. Les recherches qui illustrent ce phénomène sont légion.
Une étude célèbre a ainsi montré l’effet du conditionnement évaluatif sur le choix d’un stylo en fonction d’une musique plaisante ou déplaisante. Les participants étaient amenés à regarder une publicité pour un stylo. Le stylo était de couleur bleue pour une moitié des participants et beige pour l’autre moitié. Une musique était diffusée, agréable pour certains, désagréable pour d’autres.