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société - Page 5

  • Pourquoi lire des histoires aux bébés prématurés?

    Aux États-Unis, de plus en plus de services de néonatologie mettent en place des programmes de lecture destinés aux bébés prématurés et à leurs parents. Leurs noms: "Goslings", "Babies with Books", "Reach Out and Read", "Little Readers", "Bookworm"…

    Les initiatives françaises sont plus rares, mais se développent à leur tour. Au Centre hospitalier universitaire de Nantes par exemple, une petite bibliothèque d’albums est à la disposition des parents de prématurés. À Amiens, ce sont les psychiatres de liaison qui viennent lire des histoires aux bébés. Ailleurs, des bénévoles ou des salariés d’associations se relaient. À Tours, un petit groupe réunissant bibliothécaires, lectrice salariée et chercheuse vient chaque semaine partager des histoires dans le service.

    L’idée peut paraître d’abord saugrenue, aux parents comme aux soignants: pourquoi lire aux bébés des récits qu’ils sont bien trop petits pour comprendre? Cependant, la mise en place de ces programmes repose sur des motivations rationnelles. Elles s’appuient sur l’importance des soins dits " de développement ", qui recouvrent tout ce qui, au sein de ces services de grande technicité, ne sert pas prioritairement à faire survivre l’enfant mais l’engage dans son développement ultérieur.

    FAIRE ENTENDRE AU BEBE LA VOIX DE SES PARENTS DANS UN UNIVERS MEDICAL

    Un bébé qui naît avec beaucoup d’avance peut être conduit à passer de longues semaines dans un service hospitalier dans lequel le bruit, la lumière, un excès ou un défaut de stimulation peuvent gêner son développement. De là, le risque qu’il manifeste des difficultés directement liées à ses conditions d’hospitalisation.

    Pour prévenir ces problèmes, les soins de développement s’intéressent à tout son environnement: sa position dans son incubateur, son environnement sensoriel (lumière, sons), son soutien affectif. Des études extrêmement rigoureuses ont ainsi montré que la présence des parents est bénéfique au développement du bébé, et qu’il faut tout faire pour encourager cette présence.

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  • Entendre des voix, plus fréquent qu’on ne le croit

    Entendre des voix que les autres n'entendent pas est une expérience significative. De la même façon que les rêves, ces voix font partie intégrante de l’histoire personnelle des personnes concernées. Pourtant, dans les services de santé mentale, le modèle dominant veut que les soignants ne se préoccupent que de la présence ou de l'absence des voix, et pas du tout de leur sens.

    Quand on se réfère aux bibles des diagnostics psychiatriques,le DSM-5 américain ou l’ICD-10 de l’Organisation mondiale de la santé, les hallucinations auditives sont décrites comme les symptômes d’une maladie mentale, la schizophrénie. La plupart des spécialistes pensent que les voix sont dues à des facteurs génétiques et biochimiques, et ne les envisagent jamais comme des réponses pleines de sens à certains événements de la vie, dans certains contextes. Bien que moins d’1 % de la population soit diagnostiquée comme "entendant des voix", des enquêtes internationales menées sur différentes populations dans le monde montrent qu’une personne sur huit a déjà expérimenté une hallucination auditive au moins une fois dans sa vie.

    Je fais partie des personnes qui ont eu une telle expérience une seule fois dans leur vie (enfin, une seule fois pour le moment). Le jour qui a suivi la mort d’un de mes amis dans un accident de voiture, il y a des années de cela, il m’a parlé. Bien que j’aie travaillé pendant des années comme psychologue clinicien, aidant les autres à interpréter les voix qu’ils entendaient, mon premier réflexe a été de penser que je devenais fou. Et puis, je me suis rendu compte qu’il était simplement venu me dire au revoir, et que le fait que ce soit le fruit de mon imagination avait peu d’importance.

    Hormis la question de la fréquence des voix, il en existe aussi de mille et une sortes. Certaines personnes n’entendent que de " méchantes " voix. D’autres n’ont affaire qu’à des voix sympathiques, qui les soutiennent et les rassurent. Beaucoup entendent alternativement les unes ou les autres. Pour certains, les voix sont celles de personnes qu’ils connaissent. D’aucuns entendent une seule voix quand d’autres en entendent une foule. Les voix apparaissent parfois dans l’enfance, un peu comme des amis imaginaires, tandis que d’autres entendent leur première voix plus tard dans leur vie.

    Mais les entendeurs de voix ont un point commun, cependant: la plupart d’entre eux, quand on leur pose la question, attribuent un sens aux voix et rejettent l’idée selon laquelle elles ne seraient que la manifestation d’un déséquilibre biochimique dénué de sens. De nombreuses études prouvent que la plupart des personnes âgées de plus de 60 ans qui perdent leur partenaire de vie l’entendent peu de temps après sa disparition: c’est le cas le plus courant et le plus connu de voix associées à un sens évident.

    Les voix négatives, quant à elles, sont souvent associées à des événements difficiles. Quatre études menées sur des adultes soignés pour une maladie mentale ont prouvé qu’au moins la moitié des voix qu’entendent les personnes qui ont été maltraitées ou abusées sexuellement sont en lien avec leur agression. On a découvert en étudiant les dossiers psychiatriques de personnes ayant subi un inceste l’exemple d’un homme et d’une femme qui avaient été abusés sexuellement dans leur petite enfance, et qui entendaient des voix les accusant de se comporter bizarrement. D’autres études font mention de voix qui sont celles des agresseurs. L’une de ces recherches évoque quelqu'un qui subissait les agressions sexuelles d’une personne de sa famille, et qui entendait la voix de ce parent lui intimer l’ordre de se suicider. Dans ce genre de situation, il est généralement bien plus efficace de demander aux personnes ce qui leur est arrivé plutôt que de balayer la voix du revers de la main en disant qu'elle n’est que le symptôme vide de sens d’une maladie mentale.

    Il existe, à travers l’histoire, une multitude de récits qui attribuent du sens aux voix entendues – Jésus et Jeanne d’Arc en font partie, pour ne citer que les deux plus célèbres. En fait, l’idée que les voix sont les manifestations hasardeuses d’un cerveau malade, vides de sens, est un concept récent, propre aux cultures où domine le modèle médical dans le traitement de la souffrance humaine.

    UN ELEMENT ORDINAIRE DE LA VIE

    Dans beaucoup de cultures, entendre des voix est complètement naturel. Quand je vivais en Nouvelle-Zélande, un des mes collègues maori a réalisé des entretiens avec 80 maoris pour comprendre dans quelles circonstances les gens entendaient des voix. Pour eux, c’était là un élément tellement ordinaire de la vie que les questions de mon collègue leur semblaient absurdes. L’une des personnes interrogées lui a dit ainsi: "Pour moi, entendre des voix, c’est comme dire bonjour à ma famille le matin. Cela n’a rien d’étonnant".

    Il est enthousiasmant de constater qu’un peu partout dans le monde au cours des deux dernières décennies, des groupes de soutien entre entendeurs de voix ont vu le jour, notamment en France. Les membres de ces groupes ont beaucoup à apprendre aux professionnels de santé, en particulier quant à la façon dont nous pouvons les écouter avec respect et les aider à trouver le sens de leurs voix plutôt que de considérer leurs expériences comme les symptômes d’une maladie imaginaire et d’essayer de supprimer ces expériences avec des psychotropes.

    Les voix, de même que les rêves, sont des messagers qui nous permettent de repérer un problème à résoudre, comme par exemple quand on a vécu un traumatisme. Il serait temps que les professionnels de la santé mentale demandent un peu plus souvent " Que disent vos voix? ", et comme le dit l’entendeuse de voix britannique Eleanor Longden dans une conférence TED, ils devraient aussi demander: "Que vous est-il arrivé?".

    Auteur: John Read - Professor of Clinical Psychology, University of East London

    The Conversation France - CC BY ND

  • Pourquoi nous oublions ce que nous avons appris

    Certains apprentissages, de la grammaire au vélo, nous suivent toute notre vie. D’autres notions, acquises pour un devoir sur table ou un examen, finissent par s’évaporer très vite, une fois l’échéance passée. Comment l’expliquer? Et comment ancrer les savoirs dans nos mémoires?

    Tata Noelia, j’ai une question: puisque mon corps se muscle si je fais beaucoup de sport, est-ce que mon cerveau grossira si j’étudie beaucoup? Est-ce parce que je n’ai plus de place dans mon cerveau que j’oublie ce que j’apprends à l’école?

    C’est le genre de question que peut poser un enfant, à l’instar de ma nièce qui a déjà l’intuition que la mémoire réside d’une manière ou d’une autre dans le cerveau. Qui ne s’est pas déjà demandé où et comment sont stockées les choses que l’on apprend? Ou pourquoi on oublie l’essentiel de ce qu’on étudie?

    APPRENDRE, MÉMORISER ET SE SOUVENIR

    Apprendre consiste à acquérir une nouvelle information ou un nouveau savoir-faire par l’observation, la pratique ou l’enseignement. La mémorisation, qui désigne le stockage et l’utilisation de cette information ou expérience, s’obtient par la répétition. Se souvenir, c’est être capable d’accéder à l’information stockée et de la reconstruire.

    On peut apprendre quelque chose de nouveau et le mémoriser de façon à s’en souvenir à jamais, comme faire du vélo ou mettre une majuscule au début des noms propres, mais on peut aussi apprendre quelque chose et l’oublier peu de temps après, comme le calcul d’une racine carrée ou les noms des capitales asiatiques.

    Depuis quelques années, le rôle de la mémorisation, technique traditionnelle d’apprentissage, est au cœur des débats et de la recherche scientifique. Mais quand les professeurs que nous sommes parlent d’apprentissage profond, ce qui nous mobilise, en réalité, c’est l’acquisition d’une mémoire à long terme, par opposition à la mémoire à court terme, concernant ce qu’on oublie vite, comme le code que l’on ne retient que le temps de confirmer un virement via une appli, ou les réponses à un examen qu’on a révisé la veille.

    La mémoire est un processus en quatre étapes: l’encodage, la consolidation, la récupération et l’oubli. Chacune de ces phases est marquée par des changements physiques dans des groupes de neurones que l’on appelle" engrammes". On suppose que ce sont eux qui laissent des traces physiques de la mémoire dans notre cerveau.

    LES ENJEUX DE LA REPETITION

    Toute nouvelle expérience provoque une stimulation coordonnée de groupes de neurones précis (encodage). S’ils sont à nouveau stimulés, ces neurones génèrent des souvenirs ténus, très sensibles aux interférences, qui se perdent vite à moins d’être entretenus.

    La deuxième phase de la mémoire est rendue possible par la plasticité neuronale. La transformation de ce souvenir fragile (à court terme) en souvenir persistant à long terme requiert des changements structuraux et des réorganisations dans les engrammes (consolidation). Ces changements culminent avec la formation de synapses supplémentaires (connexion chimique) entre les neurones coactivés au moment de l’apprentissage. C’est ce qui permet la survie de l’information en vue d’un futur rappel.

    Le facteur dont dépend la réalisation de cette connexion synaptique, c’est la répétition. La répétition d’activités ou l’évocation de concepts provoque l’activation des engrammes le temps nécessaire au développement de nouvelles synapses.

    Curieusement, les représentations répétées d’un événement d’apprentissage qui se produisent pendant le sommeil entraînent l’activation spontanée des engrammes. D’où l’idée que le sommeil renforce la mémoire.

    SOUVENIR ET OUBLI

    Les nouvelles synapses qui forment la mémoire à long terme perdurent même lorsqu’elles ne sont plus utilisées. C’est ce phénomène qui rend possible la récupération du souvenir. Ce rappel est d’autant plus efficace que le contexte de récupération coïncide avec celui qui a provoqué l’encodage et la consolidation, car lors de cette phase le cerveau doit retrouver les mêmes schémas d’activité neuronale que ceux de l’apprentissage initial.

    Quant à la dernière phase dans l’acquisition de la mémoire, il s’agit de… l’oubli. Le renforcement de certains engrammes au moment de la consolidation d’un souvenir implique nécessairement l’élimination d’autres souvenirs (pour" faire de la place" dans le cerveau). Cet oubli se produit grâce à l’affaiblissement de circuits existants, l’occupation de l’espace synaptique par les nouveaux processus de neurogenèse, et même l’élimination de synapses par des cellules spécialisées du cerveau.

    Des expériences récentes ont montré que la plasticité inhibitrice (l’élimination de certains circuits pour en créer de nouveaux) lors de la consolidation du souvenir conditionne la sélectivité des circuits d’engrammes, qui" conservent" un souvenir concret.

    CE QUE NOUS ETUDIONS EST-IL CONDAMNE A L’OUBLI?

    Dans son livre ¿Cómo aprendemos? Una aproximación científica al aprendizaje y la enseñanza (en français Comment apprenons-nous? Une perspective scientifique sur l’apprentissage et l’enseignement), Héctor Ruiz nous donne quelques conseils.

    Premièrement, il est plus facile d’engranger de nouvelles connaissances si on les relie à des connaissances stockées antérieurement (engrammes activés).

    Deuxièmement, on mémorise mieux des informations qui font l’objet de raisonnements. Voir ou écouter une chose plusieurs fois ne signifie pas qu’on va s’en rappeler. Mais si on réfléchit à cette chose, notre capacité à la mémoriser augmente (consolidation des engrammes).

    Troisièmement, il est important d’approfondir l’objet de l’apprentissage, c’est-à-dire de réfléchir à la même idée dans différents contextes, de manière à faciliter la récupération ultérieure.

    Tout cela doit se traduire par un enseignement actif permettant aux étudiants d’appliquer, d’interpréter, d’évaluer ou d’expliquer la connaissance en question pour lui donner un sens, et donc de pratiquer la répétition, ce qui active les engrammes jusqu’à vingt fois plus que l’apprentissage initial.

    À l’inverse, étudier juste avant un examen ne génère vraisemblablement aucune trace durable dans notre cerveau.

    Traduit de l’espagnol par Métissa André for Fast ForWord

    Auteur: Noelia VALLE - Profesora de Fisiología, Universidad Francisco de Vitoria

    The Conversation - CC BY ND