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savoir - Page 8

  • Pourquoi les femmes enceintes oublient tout

    Une de mes amies m’a demandé récemment: "Comment se fait-il que j’oublie tout depuis que je suis enceinte?" Je lui ai répondu que je n’en savais rien, mais que j’allais me renseigner. Elle a alors ajouté "J’allais te demander autre chose, mais maintenant, ça m’échappe… "

    On entend souvent dire que la grossesse joue sur la mémoire des femmes. Mais existe-t-il pour autant un "cerveau de la grossesse "? La grossesse provoque de nombreux changements physiques, mais en quoi affectent-ils le cerveau? Pour répondre à la question de mon amie, et aussi pour essayer de répondre à toutes les questions qu’elle a oublié quand elle était enceinte, voici mon guide des – folles – neurosciences de la grossesse.

    NAUSEES MATINALES

    Plus de la moitié des femmes enceintes – jusqu’à 90 % selon certaines études – expérimentent des nausées ou des vomissements plus ou moins gênants, en particulier le matin. Les hospitalisations de la duchesse de Cambridge ont mis ce symptôme sous le feu des projecteurs: en effet, 1 % des femmes enceintes souffrent de nausées matinales plus sévères que la moyenne. C’est ce qu’on appelle l’hyperemesis gravidarum, qui peut causer perte de poids et déshydratation, et nécessite des soins médicaux. Mais, chez la plupart des femmes, les nausées matinales disparaissent au bout de 18 semaines.

    Les causes des nausées matinales ne sont pas parfaitement claires. Selon la théorie dominante, elles seraient une réaction à l’augmentation de l’hormone chorionique gonadotrope (hCG). La recherche montre qu’un taux élevé d’hCG dans le sang coïncide avec le pic de nausées matinales. Une corrélation temporelle intéressante, mais qui n’explique pas la cause des nausées matinales.

    Nous savons que le premier trimestre est capital pour le développement du fœtus: c’est la période pendant laquelle se forme son système nerveux central: un processus délicat, qui peut être perturbé par des toxines circulant dans le sang de la mère. Selon une recherche récente, les vomissements ont une fonction bien précise: ils servent à débarrasser le corps des aliments qui pourraient nuire à cette étape cruciale de développement.

    Les vomissements sont contrôlés par une structure médullaire du cerveau postérieur nommée area postrema. Il est intéressant de noter que cette zone est dépourvue de barrière hémato-encéphalique: elle est donc capable de détecter les toxines dans la circulation sanguine et dans le liquide céphalo-rachidien. La recherche prouve par ailleurs que l’area postrema est pourvue de détecteurs de hCG, ce qui pourrait expliquer pourquoi elle est particulièrement sensible au cours de la grossesse.

    De nombreuses observations viennent corroborer cette " théorie des toxines ": d’abord, les nausées matinales sont plus fréquentes dans des sociétés où l’innocuité de la nourriture est moins contrôlée; ensuite, elles ne touchent que les êtres humains (nous avons un régime alimentaire très varié, après tout); plus les nausées matinales sont fortes, moins le risque de fausse-couche est important. Enfin, beaucoup de femmes ont aussi naturellement moins envie de viande, de poisson et de certains fruits et légumes pendant la grossesse.

    Bien sûr, ces "toxines" n’ont rien de toxique pour une femme adulte en bonne santé, et le placenta fait un gros travail de filtrage des déchets et de lutte contre les infections. Les nausées matinales sont plutôt associées à des aliments qui peuvent héberger des micro-organismes avant leur réfrigération (comme la viande) ou aux légumes amers, dont le goût pouvait faire penser à nos ancêtres qu’ils n’étaient pas comestibles. C’est un système particulièrement sensible, et même si ces nausées sont particulièrement désagréables à vivre, elles représentent probablement un avantage pour le développement du bébé, à l’échelle de l’évolution.

    UN ODORAT PLUS DEVELOPPE

    Beaucoup de femmes disent comprendre qu’elles sont enceintes quand elles repèrent que leur odorat est soudain surdéveloppé – ce qu’on appelle scientifiquement l’hyperosmie. Bien que les anecdotes sur l’hyperosmie soient légion, la littérature scientifique reste très discrète à ce sujet. Quand on les questionne, environ 2/3 des femmes disent que leur odorat est plus développé que d’habitude quand elles sont enceintes. Une autre étude révèle que les femmes enceintes sont particulièrement sensibles à certaines odeurs, comme celle des aliments qui mijotent, la fumée de cigarette, les aliments avariés, le parfum et les épices.

    Quelques études se sont penchées sur les seuils de détection par l’odorat (à savoir le plus petit volume d’air qui permette de détecter une odeur) chez les femmes enceintes et chez les femmes non enceintes. Mais dans une étude qui impliquait le test de 6 odeurs différentes, aucune différence de détection n’a été notée entre les deux groupes.

    Au vu de ces résultats peu concluants (l’expérience scientifique venant contredire les déclarations subjectives des femmes), la recherche avance que les femmes enceintes n’ont pas forcément un sens de l’odorat plus développé, mais qu’elles sont peut-être plus douées que les autres pour identifier les odeurs.

    Une étude récente démontre ainsi que les femmes enceintes sont aptes à identifier une plus grande variété d’odeurs. Très tôt dans la grossesse – de la même façon que le corps rejette les aliments qui pourraient se révéler toxiques pour le développement du fœtus – les femmes ont une " dégoût olfactif " accru qui les pousse à éviter d’inhaler des substances dangereuses. Voilà qui pourrait expliquer pourquoi la fumée de cigarette et les aliments avariés sont particulièrement insupportables pour les femmes enceintes.

    Comme avec les nausées matinales, il y a un lien entre les pics de hCG et les changements de perception dans l’odorat des femmes. Mais on pense que ces changements hormonaux ne modifient pas l’organe olfactif lui-même. Des chercheurs suédois ont ainsi présenté différentes odeurs à des femmes enceintes et à des femmes non enceintes afin de mesurer leurs réponses cérébrales: ils ont découvert une amplitude plus grande et un temps de latence plus court de l’onde P300 chez les femmes enceintes, un changement de voltage qui reflète certainement le processus neural associé à la façon dont une personne analyse un événement. Cela tend à prouver que les changements hormonaux surviennent sur l’ordre d’un processus cognitif supérieur associé à notre perception des odeurs.

    LA QUESTION DE LA PERTE DE MEMOIRE

    Tandis qu’un certain nombre de femmes – comme mon amie – se plaignent de fréquents oublis pendant leur grossesse, les résultats de la recherche sont mitigés. Comme bien des changements qui surviennent pendant la grossesse, les fluctuations hormonales sont certainement en cause. Mais certaines femmes ne déplorent aucun problème de mémoire pendant leur grossesse.

    Une méta-analyse menée en 2008 explique que les femmes enceintes sont moins performantes quand on les soumet à des tests de mémoire; elles peinent particulièrement avec les tests de mémoire à court-terme et la mémorisation de mots.

    Dans une étude publiée en 2014, des chercheurs anglais ont soumis des groupes de femmes correspondant à chaque trimestre de grossesse ainsi que des femmes non enceintes à un test de mémorisation spatiale. Au fil des trimestres, les femmes enceintes étaient de moins en moins performantes aux tests de mémoire (leur score baissant en moyenne de 11,7 % entre le deuxième et le premier trimestre et entre le troisième et le deuxième trimestre). Quand ces résultats ont été comparés au niveau d’hormones de leur plasma sanguin, pourtant, il ne semblait pas y avoir de lien – autrement dit, les hormones ne jouent peut-être aucun rôle dans ces déficits de mémoire.

    Une étude intéressante publiée en 2008 a permis de relever que pendant la grossesse des souris, la neurogenèse (la naissance de nouveaux neurones) était moins active dans leur hippocampe. L’hippocampe est impliqué dans la consolidation de la mémoire à court terme en mémoire à long terme, mais permet aussi de naviguer dans l’espace – ce qui est très utile pour vous rappeler où vous avez garé la voiture, par exemple. Une autre étude, plus ancienne, montre qu’il n’y a aucune différence entre la taille du cerveau d’une rates enceinte et d’une rate non enceinte, à l’exception de leur hippocampe. Mais pour l’heure, aucune étude n’a permis d’observer le cerveau des femmes enceintes pour examiner d’éventuels changements dans l’hippocampe humain pendant la grossesse.

    Certains chercheurs pensent que la privation de sommeil ou le stress généré par l’immense bouleversement que représente une grossesse peuvent expliquer cette étourderie. Pour d’autres, c’est l’idée culturellement construite et très répandue d’un " cerveau de grossesse " qui rend les femmes plus conscientes de leurs petites erreurs pendant cette période particulière. Par ailleurs, l’arrivée d’une grossesse, en cassant des habitudes bien établies, peut aussi être source de confusion et perturber temporairement la mémoire des femmes.

    Bien qu’il y ait beaucoup de choses que nous ignorions encore sur les changements incroyables qui surviennent au cours de la grossesse, il paraît clair que les bébés tiennent à signaler leur présence bien avant de débarquer dans le monde, frétillants et hurlants.

    Auteur; Jordan Gaines Lewis - Postdoctoral researcher, Penn State

    The Conversation - CC BY ND

  • Non, TikTok ne rend pas les jeunes stupides: cette étude révèle 3 effets surprenants sur leur cerveau

    Image générée avec I.A. par moi

    Contrairement aux idées reçues parentales, TikTok ne détruit pas le cerveau des adolescents. Les dernières recherches neuroscientifiques de 2024-2025 révèlent des effets positifs méconnus sur le développement cognitif des jeunes. Cette découverte bouleverse notre compréhension des réseaux sociaux et remet en question les préjugés sur la génération Z.

    LE MYTHE DE LA DEGRADATION COGNITIVE DEMENTI PAR LA SCIENCE

    Les études récentes montrent que l'utilisation modérée de TikTok stimule certaines zones cérébrales liées à la créativité et à l'apprentissage multimodal. Contrairement aux allégations alarmistes, les neuroscientifiques observent une activation accrue des réseaux neuronaux responsables de l'innovation et de la résolution de problèmes chez les utilisateurs réguliers.

    Cette réalité contredit totalement l'image d'une génération "abrutie" par les écrans courts. Les jeunes développent en fait des compétences cognitives adaptées à leur environnement numérique, similaires à celles observées dans les programmes d'entraînement mental intensif.

    3 EFFETS SURPRENANTS VALIDES PAR LES NEUROSCIENCES

    Premier effet: l'accélération de la neuro-plasticité.

    Les vidéos courtes obligent le cerveau à traiter rapidement des informations visuelles, auditives et textuelles simultanément. Cette sollicitation multi-sensorielle renforce la flexibilité neuronale et améliore la capacité d'adaptation cognitive.

    Deuxième effet: l'optimisation de l'attention sélective.

    Contrairement aux accusations de dispersion, les utilisateurs de TikTok développent une aptitude remarquable à identifier et retenir les informations essentielles en quelques secondes. Cette compétence se révèle particulièrement utile dans notre société de l'information dense.

    Troisième effet: l'amplification de la créativité collaborative.

    La plateforme favorise l'émergence de nouvelles formes d'expression artistique et encourage l'innovation créative. Les jeunes explorent des formats narratifs inédits et développent leur intelligence émotionnelle à travers l'interaction sociale numérique.

    POURQUOI CETTE GENERATION DEVELOPPE DES SUPER-POUVOIRS COGNITIFS

    Les adolescents d'aujourd'hui évoluent dans un environnement informationnel radicalement différent de celui de leurs parents. Leur cerveau s'adapte naturellement à cette réalité, développant des capacités de traitement accéléré que les générations précédentes ne possèdent pas.

    Cette adaptation neurologique explique pourquoi 67% des jeunes Français cachent leurs nouvelles compétences à leurs parents, comme le révèle cette étude récente sur les adaptations générationnelles. Ils développent intuitivement des stratégies cognitives que les adultes peinent à comprendre.

    L'ERREUR D'INTERPRETATION DES ADULTES DECRYPTEE

    Les critiques parentales reposent sur une incompréhension fondamentale des mécanismes d'apprentissage moderne. Les adultes jugent les nouveaux formats selon leurs propres référentiels cognitifs, inadaptés aux réalités neuroscientifiques actuelles.

    Cette incompréhension générationnelle rappelle les phénomènes observés dans d'autres adaptations comportementales de la génération Z, où les jeunes développent des stratégies d'adaptation que les adultes interprètent à tort comme des dysfonctionnements.

    VERS UNE RECONCILIATION SCIENTIFIQUE PARENTS-ENFANTS

    Ces découvertes neuroscientifiques ouvrent la voie à une compréhension plus nuancée des usages numériques. Plutôt que de diaboliser TikTok, parents et éducateurs gagneraient à accompagner les jeunes dans l'exploitation optimale de ces nouveaux outils cognitifs.

    La science démontre que l'avenir appartient à ceux qui maîtrisent l'apprentissage multimodal. Les adolescents d'aujourd'hui ne subissent pas une régression cognitive, mais développent les compétences de demain. Cette révélation transforme radicalement notre approche éducative et notre vision de l'intelligence contemporaine.

  • D’où vient l’amnésie précoce?

    Selon la première théorie, proposée par Nora Newcombe et ses collaborateurs en 2007, c’est l’immaturité de l’hippocampe qui serait en cause. Tant que cette structure cérébrale n’aurait pas achevé son développement, la mise en place d’une mémoire épisodique serait impossible. En d’autres termes, si nous n’avons pas de souvenirs épisodiques d’avant nos 2 ans, c’est parce que nous n’en créons pas avant cet âge.

    Ce n’est toutefois pas ce que postule la seconde théorie, proposée par Sheena Josselyn et Paul Frankland en 2012. Pour eux, tout s’explique par la neurogenèse, c’est-à-dire par la création de nouveaux neurones, qui se produit dès après la naissance dans l’hippocampe. Et comme en témoigne l’augmentation de volume de cette structure cérébrale, elle est particulièrement importante pendant la petite enfance.

    D’après cette seconde théorie, l’hippocampe participerait dès le plus jeune âge à la création de nouveaux souvenirs. Mais la neurogenèse viendrait perturber cette capacité. Des neurones existants étant remplacés par de nouveaux neurones, l’accès aux souvenirs précédemment stockés par les premiers pourrait être perdu – tout comme lors de la mise à jour du système d’un ordinateur, il est impossible d’ouvrir de vieux logiciels.

    UNE THEORIE SYNTHETIQUE

    La troisième théorie, proposée par Cristina Alberini et Alessio Travaglia en 2017, constitue en quelque sorte une synthèse des deux autres, en faisant de la petite enfance une période critique, pendant laquelle le cerveau, et en particulier l’hippocampe, "apprend" progressivement à créer des souvenirs et à les rappeler.

    Durant ce moment précis du développement, la plasticité du cerveau est en effet maximale: il peut aisément réorganiser et modifier les connexions entre ses neurones. C’est ce qui en fait une période critique, dans le registre de la mémoire sémantique, pour l’apprentissage des langues. Or d’après Cristina Alberini et Alessio Travaglia, c’est également une période critique pour l’apprentissage de la mise en mémoire et du rappel d’épisodes de vie.

    Cette troisième théorie s’accorde donc avec la première, en considérant que le développement de l’hippocampe n’est pas achevé dans la petite enfance: il lui faut mûrir pour autoriser le traitement, la consolidation et un stockage stable d’informations se rapportant à un événement précis (le contexte, le lieu, la date).

    Elle est aussi compatible avec l’idée d’une neurogenèse perturbant les circuits de la mémoire épisodique, et rendant impossible le rappel de souvenirs formés au plus jeune âge. En postulant que loin d’être perdus à tout jamais, ces souvenirs précoces pourraient demeurer en suspens en étant stockés dans le cerveau sous une forme latente: on ne peut pas se rappeler l’événement (on l’a oublié), mais pour autant, il en reste une trace dans le cerveau, ré-activable par l’exposition à des stimuli appropriés.

    UN PARADOXE QUE L’ON PEUT EXPLIQUER

    Ainsi, l’amnésie infantile pourrait s’expliquer par la période d’apprentissage que constitue la petite enfance pour l’hippocampe. Quant à l’impact d’événements traumatiques précoces sur le développement cognitif en l’absence de souvenirs, bien qu’a priori paradoxal, on peut le justifier par trois arguments.

    Le premier tient compte de l’apprentissage "émotionnel", lequel dépend d’une structure cérébrale – l’amygdale – arrivant à maturation bien avant l’hippocampe: lorsque des événements traumatiques surviennent pendant la petite enfance, nous n’en gardons pas forcément le souvenir, mais ils n’en ont pas moins des effets persistants sur le cerveau, en raison de l’activité de l’amygdale.

    Le second argument est lié à l’idée de souvenirs précoces conservés sous une forme latente: bien qu’inaccessibles au rappel, les traces laissées dans la mémoire par des épisodes traumatiques pourraient avoir une certaine influence sur le développement cognitif.

    Enfin, le dernier argument tient à la plasticité cérébrale, et plus précisément, à l’importance de ce processus lors de la période critique de la petite enfance. Un événement traumatique précoce pourra ainsi impacter sur le long terme la trajectoire " normale " de développement du cerveau. Plus il est précoce, plus ses effets seront potentiellement importants, car la trajectoire restante est plus longue – autrement dit le développement restant à effectuer est plus conséquent.

    Une dernière interrogation, en guise de conclusion: si nos souvenirs précoces demeurent dans le cerveau sous une forme latente, ne peut-on pas imaginer de les réactiver pour les rappeler à notre mémoire?

    Cela semble possible sur le papier, avec des techniques comme l’optogénétique qui permettent de stimuler certains neurones génétiquement modifiés à l’aide de rayons lumineux, pour conduire au rappel de souvenirs. Mais si elles sont expérimentées chez l’animal, de telles applications sont encore hors de portée chez l’être humain. Doit-on le déplorer ou au contraire s’en réjouir?