Des sons organisés, musicaux ou autres, seraient-ils capables de modifier notre rythme cardiaque? d’interférer avec nos ondes cérébrales? de nous guérir ou de nous rendre malades? de nous conduire subrepticement vers des émotions ou des comportements inattendus? L’idée que des ondes sonores puissent être employées, non seulement pour véhiculer des messages, mais aussi pour agir directement sur des processus psychiques ou biologiques donne lieu à de nombreuses pratiques thérapeutiques, pathogènes ou mystiques. Le dernier numéro de la revue Terrain en détaille quelques exemples. C’est aussi une idée remarquablement tenace dans notre société, où elle a fait fantasmer des générations de philosophes, de savants, d’artistes et plus récemment d’industriels. Deux hypothèses sont avancées à ce sujet.
LES RESONANCES MECANIQUES
Certaines ondes périodiques pourraient-elles agir mécaniquement sur nos rythmes intérieurs? Qu’un corps vibrant puisse propager sa vibration à un corps distant est un constat relativement simple. Nos fonctions biologiques pourraient réagir telles ces cordes " sympathiques " (actionnées par la résonance d’autres cordes) qui équipent d’ailleurs de nombreux instruments de musique dans le monde. La résonance par sympathie constitue le socle empirique de diverses théories plus ou moins magiques de l’emprise des sons.
RYTHMES CARDIO-RESPIRATOIRES
Une hypothèse courante postule que le tempo musical pourrait influencer nos rythmes cardiaque et respiratoire. Les battements de la techno par exemple entraîneraient ceux de notre cœur, les musiques méditatives les apaiseraient, les guitares en distorsion du punk et du metal augmenteraient notre tension artérielle. On trouve ces idées dans le public mais aussi dans les revues scientifiques.
C’est ainsi qu’en 2006 une équipe de cardiologues italiens et britanniques ont entrepris de prouver expérimentalement les interactions entre les rythmes musicaux et cardio-respiratoires. Les chercheurs ont fait écouter à leurs sujets divers enregistrements et ont constaté qu’un morceau disco de Gigi d’Agostino (à 136 battements par minute) ou un presto de Vivaldi (à 150 bpm) induisent des fréquences cardiaques et respiratoires plus élevées qu’un raga indien méditatif (55 bpm) ou qu’un adagio de Beethoven (70 bpm). En outre, cet effet s’avère indépendant des préférences musicales des participants. C’est l’une des rares expériences de laboratoire qui est parvenue à montrer un entraînement systématique des rythmes biologiques par le rythme musical.
RYTHMES CEREBRAUX
Selon une autre hypothèse populaire, les rythmes du cerveau pourraient être entraînés par des fréquences sonores.
Connus depuis le début du XXe siècle, ils résultent de l’activation régulière de grands ensembles de neurones et sont visibles sur un électroencéphalogramme. Leur fréquence varie avec le type d’activité du sujet: ondes alpha (entre 8 et 12 Hz) en éveil mais les yeux fermés; ondes beta (entre 12 et 30 Hz) les yeux ouverts; ondes delta (entre 0,5 et 4 Hz) sommeil profond, etc.
Les sons dits binauraux visent à modifier ces rythmes. On les écoute avec un casque stéréo. Dans chaque oreille, une fréquence légèrement différente. Leur combinaison produit un troisième battement, en général parfaitement audible. Ce battement est calibré entre 1Hz et 30Hz, soit la même gamme de fréquences que les ondes cérébrales. Il ne s’agit pas d’un battement acoustique habituel car les deux fréquences primaires ne se combinent pas dans l’air avant d’atteindre les tympans. C’est le cerveau qui est le lieu géographique de leur combinaison, d’où l’hypothèse que le "battement binaural [se produit] à l’intérieur de l’esprit". L’explication est donnée par le site i-doser, qui commercialise depuis 2003 des enregistrements binauraux.