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Science - Page 8

  • Une œuvre sonore née d’un cerveau miniature.

    Cultivées en laboratoire, les cellules cérébrales d’un compositeur défunt rejouent quatre ans après sa mort

    La mort marque-t-elle réellement la fin du parcours de l’esprit créatif? Quatre ans après sa disparition, le compositeur Alvin Lucier semble livrer une ultime démonstration de la persistance de l’œuvre. Dans la pénombre feutrée d’une galerie d’art à Perth, des tintements métalliques aux accents de code Morse emplissent l’espace. Aucun interprète à l’horizon: seulement vingt plaques de laiton doré, un enchevêtrement de câbles, et une petite masse organique, pâle et animée de pulsations électriques. Loin de la fiction, l’installation intitulée Revivification interroge les frontières entre vie, mort et création artistique — en utilisant des cellules cérébrales de Lucier, cultivées en laboratoire.

    Figure tutélaire de la musique expérimentale américaine, Alvin Lucier s’est éteint en 2021, à l’âge de 90 ans. Pionnier de l’exploration sonore, il s’était déjà distingué en 1965 avec " Music for Solo Performer ", une œuvre où ses ondes cérébrales, captées par des électrodes, faisaient vibrer des percussions. En 1997, son " Opera with Objects " exploitait la résonance acoustique d’objets du quotidien, comme de simples crayons.

    LA RENAISSANCE CELLULAIRE D’UN COMPOSITEUR VISIONNAIRE

    À l’heure où l’intelligence artificielle imite le style d’artistes, comme en témoigne le phénomène du "Gibbli effect", "Revivification" s’engage dans une voie singulière, résolument biologique". Cette installation cherche à interroger les troublantes possibilités d’étendre la présence d’un individu au-delà des limites apparentes de la mort", explique au ArtNewspaper Nathan Thompson, l’un des concepteurs du projet, accompagné des artistes Guy Ben-Ary, Matt Gingold et du neuroscientifique Stuart Hodgetts.

    Dès 2018, l’équipe avait approché Lucier pour cette collaboration atypique. Ce n’est qu’en 2020, alors âgé de 89 ans et atteint de la maladie de Parkinson, qu’il accepta de léguer un échantillon de son sang, posant ainsi les fondements d’une création posthume hors du commun.

    UN PROCESSUS A LA FRONTIERE DE L’ART ET DE LA BIOTECHNOLOGIE

    Le processus de création de " Revivification " est aussi audacieux que méthodique. Les cellules mono-nucléées issues du sang de Lucier ont été reprogrammées en cellules souches pluripotentes. Sous la supervision du Dr Hodgetts, elles ont ensuite été transformées en organoïdes cérébraux – de petits amas tridimensionnels de neurones reproduisant certaines fonctions du cerveau humain.

    Pour donner forme sonore à cette matière vivante, les chercheurs ont mis au point une technologie sur mesure: les organoïdes ont été implantés sur une trame ultrafine de 64 électrodes. Ce dispositif, conçu en partenariat avec un bio-ingénieur allemand, permet d’enregistrer l’activité neuronale en profondeur, reproduisant partiellement la complexité d’un cerveau en développement. Gingold a ensuite adapté une plateforme open source pour interpréter ces signaux et les convertir en sons.

    Dès lors, l’installation fonctionne comme un système interactif bidirectionnel. Le "cerveau in vitro", logé dans un socle conçu spécialement, génère une activité électrique. Chaque impulsion y est traduite en une note sonore, activant un transducteur et un maillet derrière chacune des vingt plaques de laiton. Il en résulte une composition sonore en perpétuel mouvement, à la fois mécanique et sensible.

    Mais ce n’est pas tout: le dispositif capte également les sons ambiants grâce à des microphones disposés dans la galerie. Voix des visiteurs, vibrations métalliques et autres bruissements sont transformés en signaux électriques, renvoyés à l’organoïde. Cette boucle d’interaction, à la fois sensorielle et neurologique, ouvre la voie à une hypothèse vertigineuse: celle d’un apprentissage neuronal". Nous nous demandons s’il pourra évoluer, voire apprendre ", explique Ben-Ary, évoquant une possible plasticité neuronale de cette entité biologique.

    ART, SCIENCE ET VERTIGE ETHIQUE

    Si les concepteurs de "Revivification" voient dans cette installation une forme de prolongement de la pensée artistique de Lucier, elle soulève de redoutables questions éthiques, philosophiques, voire métaphysiques.

    Dans un entretien relayé par NPR, Indre Viskontas, neuroscientifique cognitive à l’Université de San Francisco, spécialiste de la créativité, précise: "La créativité repose sur deux piliers: la nouveauté, indéniable ici, et l’intention consciente – ce qui, à mon sens, fait défaut dans ce cas".

    L’organoïde n’étant porteur d’aucune volonté, peut-on encore parler de création? La question, centrale, traverse toute l’œuvre: "Et si une étincelle de souvenir subsistait dans cette transformation? L’essence créatrice de Lucier peut-elle survivre à sa mort?".

    L’ambition du collectif va plus loin encore. Ben-Ary souhaite que cette interprétation de substitution poursuive indéfiniment son évolution, produisant " de nouveaux souvenirs " et "nouvelles histoires".

    Avec cette démarche originale, l’équipe ouvre une nouvelle page dans l’histoire de l’art posthume – bien au-delà des simulations numériques ou des intelligences artificielles.

     

  • 7 traits de caractère des personnes authentiques

    Connaissez-vous des personnes authentiques? En êtes-vous une? Savez-vous comment il est possible les caractériser? Il est possible que vous ayez vécu ou que vous viviez avec une personne de ce type sans même le savoir.

    Les personnes authentiques sont une bouffée d’air frais dans nos vies, elles remplissent tout l’espace dans lequel elles se trouvent. Elles sont faciles à identifier car, lorsqu’elles arrivent dans nos vies, elles l’inondent de joie, d’inspiration et de vibrations.

    Leur manière d’être est agréable et toute personne qui se trouve à leurs côtés se sent bien et en confiance. Les personnes authentiques nous permettent de nous sentir bien, de nous sentir nous-mêmes.

    Avec elles, il est possible d’oublier tous les clichés et toutes les idées préconçues. Elles savent que nous sommes tous spéciaux et nous permettent de nous sentir uniques.

    Dans la suite de cet article, nous allons vous donner les principaux traits de caractère des personnes authentiques.

    1. ELLES SAVENT S’ECOUTER ET EXPRIMER LEURS OPINONS

    Les personnes authentiques savent qu’il n’y a que peu de bonnes raisons pour dissimuler leurs opinions. Si elles ont quelque chose à dire, elles vont le dire.

    Cependant, elles prennent toujours le soin de ne pas blesser ou de ne pas faire souffrir les autres avec leurs opinions. Elles cherchent à être écoutées et à valoriser leur opinion, mais sans jamais écraser les autres.

    Nous préférons bien souvent nous taire par peur d’être critiqués. Les personnes authentiques savent que les critiques sont permanentes, mais qu’elles ne sont pas liées à ce que nous sommes.

    Elles comprennent que l’opinion des autres est quelque chose d’extérieur à leur essence. C’est peut-être leur plus grande qualité: elles savent comment ne pas prendre les choses personnellement.

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  • L’esprit est-il une machine prédictive?

    Introduction à la théorie du cerveau bayésien

    La théorie du cerveau bayésien est une conception innovante en neurosciences et en philosophie proposant des hypothèses pour comprendre le fonctionnement de l’esprit. Selon cette théorie, le cerveau utilise des croyances (définies comme des estimations de probabilité) pour traiter les informations sensorielles et décider les actions à réaliser.

    Émergeant à partir d’un riche héritage philosophique et scientifique avec des prémisses dans les œuvres d’Emmanuel Kant, William James, ou encore Hermann von Helmholtz, cette théorie met principalement en jeu deux concepts fondamentaux: la croyance et la hiérarchie; et quatre principes associés: la prédiction, l’erreur de prédiction, la précision, et la mise à jour.

    Bien que ces concepts soient utilisés fréquemment en psychologie, ils prennent un sens bien différent pour cette théorie, participant à sa complexité.

    La croyance, cœur de la théorie bayésienne

    Le premier fondement de la théorie est la notion de croyance. En philosophie, la croyance est souvent définie comme l’acceptation qu’une proposition est vraie, ou comme la justification pour la réalisation d’une action. Elle est alors assimilée à un état catégorique et binaire: je crois ou je ne crois pas.

    La croyance bayésienne a un sens plus spécifique et désigne une estimation probabiliste à propos d’un phénomène. Par exemple, notre cerveau peut estimer qu’il y a une faible probabilité qu’un éléphant soit observé dans les rues de Paris, et une probabilité moyenne qu’une guerre mondiale éclate au cours des dix prochaines années. La croyance est alors une histoire de probabilité.

    Ce concept alternatif de croyance est directement associé au théorème de Bayes, un théorème proposé initialement par le révérend Thomas Bayes au XVIIIe siècle permettant de calculer la vraisemblance d’une nouvelle information en fonction de données préexistantes.

    CROIRE, C’EST PRÉDIRE

    Appliqué au cerveau, le théorème de Bayes permet ainsi de représenter la manière dont les croyances probabilistes (données préexistantes) influencent le traitement des informations sensorielles (nouvelles informations), puis sont modifiées au fil des expériences (enregistrement de nouvelles données).

    Ces croyances probabilistes permettent au cerveau de générer des prédictions à propos des entrées sensorielles. Ainsi, la croyance que l’on est au bord de l’océan facilitera la prédiction du parfum résineux des pins, du bruit des vagues qui se brisent sur plage, ou encore de la caresse douce du sable sous les pieds.

    Ces croyances probabilistes peuvent aussi biaiser la perception du monde en favorisant les entrées sensorielles que le cerveau s’attend à recevoir. Ainsi, si je crois que ma tasse de café est chaude, je peux sentir la sensation tactile de chaleur lorsque je m’en saisis, même si elle ne contient que du café froid.

    TOUJOURS PLUS DE HIERARCHIE

    La théorie du cerveau bayésien suppose également que ces croyances sont organisées sous la forme d’une hiérarchie. Cette hiérarchie de croyances fonctionne comme une hiérarchie d’hypothèses: à chaque niveau de la hiérarchie, les croyances de niveau supérieur sont ainsi utilisées pour faire des hypothèses sur les informations de niveau inférieur.

    Par exemple, chaque signal sensoriel mobilise une cascade bidirectionnelle de traitement de l’information, confrontant des signaux montants générés à partir du traitement des entrées sensorielles, et des signaux descendants issus des aires corticales de plus haut niveau associatif, impliquées par exemple dans le sentiment d’agence, le raisonnement logique, ou encore la métacognition.

    L’influence de ces signaux descendants générés à partir des croyances probabilistes est flagrant pour la perception: la croyance que l’on est en forêt favorise la perception d’un arbre, alors même qu’il ne s’agit que d’une antenne téléphonique. De la même manière, lorsque nous entendons furtivement une conversation indistincte, la croyance que l’on est en train de nous médire favorise la perception de paroles malveillantes, parfois de manière totalement artificielle!

    Cette hiérarchie d’hypothèses permet au cerveau de traiter les signaux sensoriels par étapes, en utilisant les croyances de plus haut niveau sémantique pour traiter des signaux sensoriels complexes, et des croyances perceptuelles basiques pour traiter les signaux sensoriels plus élémentaires. La perception consciente d’un stimulus dans l’environnement est alors le fruit de cet équilibre fragile entre croyance et entrées sensorielles.

    TOUT EST UNE QUESTION DE PRÉCISION

    La théorie suggère enfin que la différence entre les prédictions et les informations sensorielles génère des erreurs de prédiction. Par exemple, si nous pensions sentir la chaleur sur notre main lorsque nous saisissons la tasse de café, mais que nous constatons qu’elle est froide, une erreur de prédiction est générée par le cerveau. Ce message d’erreur remonte dans la hiérarchie et est utilisé pour mettre à jour les croyances.

    Cette mise à jour n’est toutefois pas aléatoire et dépend de la précision des prédictions et des erreurs de prédictions. Des prédictions précises seront difficiles à mettre à jour même lorsqu’elles sont contredites par les entrées sensorielles. Inversement, des erreurs de prédictions précises provoqueront des mises à jour plus importantes.

    Cette précision est vitalement modulée par le cerveau en fonction de notre environnement: lorsque nous marchons dans la pénombre, les informations visuelles sont codées avec peu de précision, tandis que la précision des informations tactiles et proprioceptives augmente.

    Ce processus permet d’éviter que le tigre en peluche dont on perçoit les contours ne génère la croyance qu’un tigre en chair et en os est prêt à nous sauter dessus pour nous dévorer. Inversement, les mêmes stimuli visuels dans une jungle tropicale auront un haut degré de précision, et généreront plus facilement la croyance qu’il nous faut fuir le plus vite possible.

    RIVALITÉ DANS LA VISION

    Plusieurs recherches ont aussi montré que notre perception visuelle est produite par un équilibre entre les prédictions sur ce que le cerveau s’attend à percevoir, et une combinaison des informations sensorielles issues de nos deux rétines. L’un des exemples les plus frappants de ce phénomène est la rivalité binoculaire: elle se produit lorsque deux formes différentes sont présentées simultanément devant chaque œil. Ainsi, lorsqu’une image d’un tigre est présentée à l’œil droit et celle d’un éléphant à l’œil gauche, nous voyons alternativement un tigre et un éléphant, plutôt qu’une combinaison des deux animaux: il y a rivalité.

    En réalité, nos neurones essayent constamment de combiner les informations issues de chacune des rétines pour unifier la perception visuelle. Toutefois, à l’exception des chimères et des animaux de science-fiction, nous ne sommes pas habitués à voir un tigre et un éléphant fusionnés. Cette vision déclenche une série d’erreurs de prédictions (prédiction d’un tigre, et observation d’un éléphant; puis prédiction d’un éléphant, et observation d’un tigre) et des mises à jour répétées des croyances: l’hypothèse visuelle la plus probable se déplace alors successivement du tigre vers l’éléphant au fil des erreurs de prédictions dans la hiérarchie de croyances.

    De la même manière, la théorie bayésienne permet d’expliquer comment le cerveau réussit à maintenir une image stable du monde malgré le mouvement des yeux et du corps. En prédisant à l’avance les informations sensorielles les plus probables après la réalisation d’une action, le cerveau peut anticiper comment les formes qu’il perçoit vont évoluer au fur et à mesure du déplacement des yeux, et corriger en retour ces prédictions en fonction des entrées sensorielles. Ce système d’anticipation permet de maintenir des perceptions unifiées malgré les mouvements du corps, et de percevoir correctement notre environnement lorsque nous exécutons des gestes quotidiens. Il se retrouve toutefois brouillé lorsque nous le mettons à l’épreuve, par exemple lors de la chute d’un saut à l’élastique, ou de looping de montagnes russes.

    L’ÉMOTION, UNE ERREUR DE LA PRÉDICTION

    Ces prédictions ne sont pas limitées à la vision: notre cerveau prédit constamment le rythme de nos battements cardiaques, le degré de contraction de nos viscères intestinaux, la chaleur de notre peau, ou encore la dilatation de notre vessie. Ces prédictions sont la base de l’intéroception, désignant la perception des signaux venant de l’intérieur du corps, et pourraient être cruciales pour un grand nombre de processus cognitif et affectif, dont l’émotion!

    En réalité, les prédictions intéroceptives sont constamment couplées avec l’activité motrice, c’est-à-dire que lorsque l’organisme réalise un mouvement programmé, les prédictions intéroceptives s’adaptent automatiquement à l’action et ne génèrent pas d’erreurs de prédiction. Par exemple, si nous débutons un jogging, les prédictions sur notre rythme cardiaque vont s’adapter progressivement à l’augmentation des battements de notre cœur, et notre cerveau ne sera pas surpris par ces changements: le cerveau et le corps s’harmonisent.

    Au contraire, des stimuli imprévus provoquent des changements intéroceptifs non programmés dans le corps. Ainsi, si nous découvrons un cobra dans notre appartement, notre rythme cardiaque s’accélère brusquement alors que notre cerveau ne l’avait pas prédit. La tachycardie inattendue génère des erreurs de prédictions sur le rythme cardiaque, qui sont automatiquement traitées par le cerveau comme un signal d’alerte: ces signaux sont aujourd’hui considérés dans la théorie du cerveau bayésien comme le fondement élémentaire de l’émotion et de l’humeur!

    DES PERSPECTIVES POUR L’AVENIR

    En médecine, cette théorie permet aussi de mieux comprendre les troubles psychiatriques et neurologiques, comme les hallucinations dans la psychose, l’humeur triste dans la dépression, l’exaltation dans la bipolarité, ou encore le craving dans la toxicomanie. De nouvelles hypothèses commencent à être testées concernant les troubles du spectre autistique ou encore l’anorexie mentale, et pourraient aussi bouleverser la compréhension de ces troubles.

    La compréhension du lien entre l’intéroception et les troubles psychiatriques est aussi au premier plan, notamment dans les troubles de l’humeur ou la psychopathologie périnatale. La grossesse est par exemple une période de bouleversements majeurs de l’intéroception, et ces changements pourraient être impliqués dans des phénomènes pathologiques comme la dépression du post-partum. Enfin, ces hypothèses offrent un nouveau regard sur l’association entre les symptômes dépressifs et les pathologies intestinales chroniques comme le syndrome de l’intestin irritable.

    Malgré ces perspectives prometteuses inspirées par notre fantastique architecture cérébrale, il reste à définir précisément comment les croyances probabilistes sont encodées par le cerveau et modifiées par nos expériences. Une meilleure compréhension de ces phénomènes nous permettrait de développer des traitements plus efficaces contre les troubles neuropsychiatriques, et d’ouvrir des hypothèses nouvelles sur la genèse des croyances sociales, politiques, ou religieuses.

    Auteur: Hugo Bottemanne - Psychiatre à la Pitié-Salpêtrière & chercheur à l'Institut du Cerveau, Sorbonne Université

    The Conversation - CC BY ND