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parapsychique - Page 7

  • Comment atteindre la "zone", mystérieux état de transe cérébrale qui intrigue les neurosciences?

    Une étude révèle que l’état de "zone", ou "flow", apparaît quand le cerveau lâche le contrôle pour laisser agir l’automatisme. Dans un monde plein de distractions, il devient plus rare de l'expérimenter.

    Complétement plongés dans une activité ou concentrés sur une tâche, nous pouvons parfois atteindre une sorte d’état second. Cet état mental de pure absorption du cerveau, intéresse de plus en plus les neurosciences, rapporte Popular Mechanics. Les scientifiques l'appellent la "zone" ou le "flow". Pour comprendre comment fonctionne ce mécanisme, une étude publiée en 2024 s’est intéressée à l’activité cérébrale des musiciens.

    LE CERVEAU EN "PILOTE AUTOMATIQUE"

    Dans cette étude publiée dans Neuropsychologia, les chercheurs ont demandé à 32 guitaristes de jazz plus ou moins expérimentés d’improviser six morceaux. Pendant ce temps, leur activité cérébrale était mesurée par électroencéphalogramme. Après chaque session, les musiciens ont évalué à quel point ils s’étaient sentis dans la "zone".

    Pour les chercheurs, l’objectif était de savoir si le flow est lié à une concentration extrême, ou à une grande maîtrise accompagnée d'un lâcher-prise? Et au vu des résultats, il semble que la deuxième option soit la plus probable. Ceux qui maîtrisaient le mieux leur instrument étaient aussi les plus enclins à entrer dans le flow. Ces derniers présentaient une activité accrue dans les zones sensorielles et auditives du cerveau. Ils montraient cependant une activité réduite dans les lobes frontaux, ceux qui contrôlent la pensée consciente.

    Cela suggère que la transe créative semble apparaître lorsque le cerveau met en pause son contrôle conscient et laisse agir les réflexes acquis par l’expérience. D’après John Kounios, directeur de l’étude, cela s’explique par un phénomène appelé hypofrontalité transitoire: l’activité des lobes frontaux baisse pour laisser d’autres régions du cerveau prendre le relais. Ainsi, sans avoir besoin d’y réfléchir, ou de produire un effort conscient, les musiciens savaient quoi faire. En quelque sorte, leur cerveau s’était mis en pilote automatique.

    LES HUMAINS ONT-ILS PERDU LE FLOW?

    Mais alors comment entrer soi-même dans cet état? Comment accéder au flow? D’après le psychothérapeute Michael Ceely, il faut avoir une certaine maîtrise de l’activité en question, que ce soit pour la musique ou pour la couture, par exemple. Mais il faut cependant choisir une activité "juste au-dessus de ses capacités", afin de rester pleinement engagé dans la tâche et éviter que son esprit ne divague trop. Ainsi, tout semble facile, si bien qu’il est possible d’atteindre une expérience proche de l’extase.

    Toutefois, les chercheurs se demandent pourquoi la perception de cet état est si mystique. Pour Michael Ceely, cet état paraît presque magique, justement parce qu’il est devenu rare dans nos sociétés modernes. Avec toutes les distractions que nous avons à disposition nous avons peut-être perdu l’habitude d’être pleinement concentrés sur une tâche. Le psychothérapeute suggère même que la sensation de flow était plus présente à l’époque où les humains avaient besoin de leur pleine conscience pour survivre.

    Mais il n’est pas trop tard. D’après le chercheur Kevin J.P. Woods, nous pouvons chacun retrouver le flow. Il conseille pour cela de se trouver un défi, pour se pousser à rester concentré, et de choisir un environnement agréable pour s’y atteler. Il ne faut pas non plus hésiter à s’accompagner de musique, qui peut favoriser la concentration, soutient Michael Ceely.

    Autrement, un changement de décor, comme un séjour en pleine nature peut parfois suffire.

  • Comment les neurosciences expliquent-elles la conscience?

    La conscience est une notion des plus compliquées et des plus complexes. Compliquées, car difficile à comprendre et complexes, car elle comporte en soi plusieurs éléments imbriqués, la rendant difficile à saisir. Faisons un tour d’horizon succinct de trois théories "rivales" aujourd’hui défendues par des scientifiques.

    Selon la définition du Larousse, la conscience est la "connaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de son existence et de celle du monde extérieur". Il est important de distinguer plusieurs types de conscience.

    La conscience spontanée ou immédiate est liée à l’expérience et tournée vers le monde extérieur. Elle renvoie à la présence de l’individu à lui-même au moment où il pense, sent ou agit.

    La conscience réfléchie est la capacité de faire un retour sur ses propres pensées ou actions et de les analyser.

    Enfin, le mot "conscience" peut aussi désigner notre capacité de jugement moral qui met en jeu le bien et le mal, sens qui ne renvoie pas à ce qui nous intéresse ici.

    EST-ON SUR LE POINT DE DECOUVRIR LA SIGNATURE DE LA CONSCIENCE?

    Les progrès des neurosciences, de l’informatique et de l’ingénierie depuis les années 1950 laissent entrevoir la possibilité de décrypter l’esprit voire, selon certains, la possibilité d’un jour le "télécharger" sur un support numérique. Pourtant, la conscience échappe encore aux scientifiques. Il est vrai que la mise en lumière de mécanismes cérébraux de plus en plus précis et spécifiques entrouvre un autre rapport au cerveau et rouvre la question: va-t-on découvrir la signature neuronale de la conscience?

    Face à cette quête pour identifier les mécanismes cérébraux qui sous-tendent ce phénomène complexe, la science a besoin de théories.

    Au sein de ce débat qui fut d’abord philosophique, les théories scientifiques de la conscience se placent dans une approche matérialiste. Cela signifie qu’elles font l’hypothèse que la conscience est un phénomène qui émerge de la matière dont nous sommes composés, en opposition avec les dualistes, pour qui le corps et l’esprit sont deux réalités de natures différentes. Les scientifiques vont alors se baser sur l’analyse de l’activité cérébrale.

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  • Penser à ses propres pensées ou comment le cerveau s’observe

    En 1884, alors qu’ils tentaient de définir les limites de la perception humaine, Charles Pierce et Joseph Jastrow ont découvert autre chose: les limites de notre introspection. Les participants à leurs expériences sous-évaluaient systématiquement leur capacité à juger correctement leurs propres sensations, ce que Pierce et Jastrow ont proposé comme explication de " l’intuition des femmes ainsi que de certains phénomènes télépathiques ". Ces implications pratiques particulières ont heureusement été laissées de côté (ainsi que la relation conceptuelle entre la télépathie et l’intuition féminine).

    À la fin des années 1970, cette approche consistant à demander aux participants d’évaluer leurs propres performances est devenue un domaine de recherche à part entière: l’étude de la "métacognition".

    Cette capacité d’auto-réflexion et de réflexion sur nos propres pensées nous permet d’avoir plus ou moins confiance en nos décisions: nous pouvons agir avec conviction lorsque nous sommes sûrs d’avoir raison, ou être plus prudents lorsque nous pensons avoir peut-être fait une erreur. La métacognition influence tous les aspects de notre comportement: elle détermine comment nous définissons nos objectifs de vie, mais aussi comment nous jugeons nos propres sensations (ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons et touchons).

    Nous ne sommes pas toujours doués pour la métacognition. Certaines personnes sont en général trop ou pas assez confiantes, la plupart des gens se sentent occasionnellement très confiants dans un mauvais choix, et tous les réseaux sociaux ont été accusés de propager des croyances fortes alimentées par des infox. On sait que la métacognition se développe au cours de l’enfance et de l’adolescence, et une métacognition déficiente a été impliquée dans plusieurs troubles psychiatriques, comme l’émergence de croyances délirantes dans la schizophrénie ou encore les troubles obsessionnels compulsifs (TOC).

    Il est donc nécessaire de concevoir des outils pédagogiques et des traitements pour améliorer la métacognition. Mais nous sommes encore loin de la comprendre réellement.

    JUGER SES PROPRES EMOTIONS

    Pour penser à ses propres pensées, le cerveau doit effectivement s’observer. En théorie, chaque fois que certaines des centaines de milliards de cellules du cerveau s’assemblent pour donner naissance à une pensée, un sentiment ou une action, elles signalent également dans quelle mesure elles y sont parvenues. Tous les processus cérébraux sont suivis et évalués, ce qui donne lieu à la métacognition. L’une des grandes questions est: comment?

    Dans notre département, nous étudions la métacognition dans sa forme la plus élémentaire, notre capacité à juger nos propres sensations. Nous utilisons toujours des méthodes similaires à celles de Pierce et Jastrow: dans une expérience typique, nous montrons une image aux participants et leur demandons de prendre une décision simple sur ce qu’ils voient, puis nous évaluons dans quelle mesure ils sont sûrs d’avoir fait le bon choix. Par exemple, nous pourrions leur montrer une ligne légèrement inclinée et leur demander de juger si elle est inclinée vers la gauche ou la droite. Le participant devrait se sentir plus confiant lorsqu’il sent qu’il n’a pas besoin de regarder la ligne à nouveau pour vérifier qu’il a fait le bon choix, quand les évidences sont fortes pour sa décision. Tout comme dans un tribunal, un jury décide s’il y a suffisamment de preuves pour condamner un criminel, le cerveau décide s’il y a suffisamment d’évidences pour être confiant dans un choix.

    SEPARER L’ACTIVITE DE DECISION ET DE CONFIANCE

    C’est en fait un gros problème pour étudier ce qui se passe dans le cerveau lorsque les gens se sentent plus ou moins sûrs d’eux, car une différence de confiance est également une différence de preuves de décision. Si nous trouvons une différence dans l’activité cérébrale pour une confiance élevée par rapport à une confiance faible, cela pourrait en fait être dû à plus ou moins de preuves (la ligne est perçue comme plus ou moins inclinée). Nous devons séparer l’activité cérébrale liée au processus d’évaluation de l’inclinaison de la ligne de l’activité cérébrale liée au processus de confiance dans l’évaluation de cette inclinaison.

    Nous avons récemment trouvé un moyen de distinguer ces processus, en les séparant dans le temps. Dans l’expérience, nous avons mesuré l’activité cérébrale des participants (avec électroencéphalographie) pendant qu’ils prenaient des décisions concernant une séquence entière d’images montrées les unes après les autres.

    Illustration de la tâche.

    Nous avons pu observer ce qui se passait dans le cerveau lorsque les participants regardaient les images et prenaient leur décision. Parfois, les participants prenaient leur décision avant que toutes les images aient été montrées. Dans ce cas, l’activité liée à la prise de décision s’arrêtait. Mais d’autres activités continuaient. Même quand les participants avaient pris leur décision tôt, ils vérifiaient quand même les images supplémentaires pour évaluer leur confiance. Dans ces cas, l’activité cérébrale liée à la prise de décision s’était arrêtée, et l’on pouvait donc étudier l’activité cérébrale liée à la confiance indépendamment.

    Activité cérébrale pendant la tâche (localisée au cortex à l’aide d’une technique appelée " localisation de la source ").

    Notre première constatation concorde avec de nombreuses recherches antérieures: nous avons trouvé une activité liée à la confiance dans les zones frontales du cerveau qui sont aussi associées au comportement axé sur les objectifs. Mais en examinant de près cette activité cérébrale, en essayant de répondre à la question de savoir comment le cerveau s’observe, nous nous sommes posé une autre question: quand?

    L’opinion par défaut est que l’on prend d’abord sa décision, puis que l’on vérifie la quantité de preuves dont on dispose pour se sentir en confiance; on pense d’abord, puis on pense à penser. Mais lorsque nous avons examiné le schéma d’activité cérébrale lié à la confiance, nous avons constaté qu’il évoluait avant même que les participants ne prennent leur décision: c’est mettre la charrue avant les bœufs. Le cerveau est l’ordinateur le plus efficace que nous connaissions, il est donc étrange de penser qu’il puisse faire quelque chose d’aussi inutile.

    Le paradigme habituel suggère un rôle important de la métacognition dans la modération du comportement futur: nos actions ultérieures sont influencées par la confiance que nous avons dans nos décisions, nos pensées et nos sentiments, et nous utilisons une faible confiance pour apprendre et nous améliorer à l’avenir. Mais il y a une autre possibilité: nous pourrions utiliser la confiance en direct, au moment où nous délibérons, pour savoir si nous devrions chercher plus de preuves ou si nous en avons assez pour prendre une décision. Dans une autre expérience, nous avons en effet constaté que les personnes qui sont plus douées pour la métacognition sont également les plus aptes à savoir quand arrêter de délibérer et prendre une décision. Le cerveau pourrait s’observer en permanence, surveiller et évaluer ses processus afin de contrôler leur efficacité; un système de micro-management sévère, en somme.

    137 ans après les interrogations de Pierce et Jastrow sur le rôle de la métacognition, nous continuons à découvrir à quel point ce type d’autoréflexion est important. Ce faisant, nous en apprenons également à chaque nouvelle étude un peu plus sur le cerveau et son étonnante capacité à s’observer.

    Auteurs: Tarryn Balsdon - Postdoctoral researcher, École normale supérieure (ENS) – PSL

    Pascal Mamassian: chercheur CNRS en psychologie expérimentale, École normale supérieure (ENS) – PSL

    Valentin Wyart; Directeur de recherche en neurosciences, Inserm

    The Conversation - CC BY ND